Un bâillement prolongé sortit d’entre ses lèvres, caché par l’une de ses mains pâles. Il n’avait pratiquement pas dormi depuis… Hier, après-midi. Ou avant-hier ? Sa mémoire lui faisait défaut, comme toujours.

Si on pouvait voir ses yeux, on aurait certainement pût s’étonner de n’y percevoir aucune trace de vivacité, ainsi que deux tâches sombres au dessous de chacun d’eux, décorant son doux visage et marquant son état médiocre.

Seulement, ce n’était pas le cas. Sa tête constamment barrée par cette banderole numérique, personne ne les avait découverts, et personne ne les découvrirait jamais. Jeremy était bien ainsi. Du moins, voulait-il s’en persuader.

Marqué d’un point d’interrogation, c’est devant son casier qu’il se trouvait, déposant ses dernières affaires avant de le fermer à clé. Il la fourra dans une poche de sa veste, habillé de son uniforme complet.

Ses cheveux cachés sous sa casquette, il finit par quitter les vestiaires, traversant la grande salle et le long couloir, afin d’arriver à son office.

Un office vide de vie. Pas un bruit, pas un mouvement, si ce n’était que celui du ventilateur. Qu’il faisait froid, ici.

Frissonnant, le garçon grimaça légèrement et s’avança pour éteindre l’appareil, se retrouvant dans le silence lugubre du bâtiment.

Sans bruits, il se mit assis dans la chaise du bureau, posant un instant son regard sur le masque de Freddy, au bas des tiroirs.
Il ne l’aimait pas, mais il était utile, surtout en la présence du lapin bleu, aux joues rosées.

Jeremy n’aimait pas les animatronics. Ou plutôt, il en avait peur. Comme d’à peu près tout, même des gardiens de nuit, bien qu’il ne les connaissait pas personnellement.

La nuit allait être longue. Se saisissant de l’écran tactile des caméras et de sa lampe torche, il alluma l’espace d’une seconde le couloir, vide.

Il reprit l’écran, vérifiant la caméra où les animatronics étaient en repos, puis revint à l’instant présent, soupirant.
Son cœur battait la chamade, mais le gardien tentait de rester calme. Un peu pétrifié sur son siège, il avait assez de courage pour rester ici, mais pas pour affronter des robots sanguinaires.

Aucun mouvement. Retenant un soupir, le garçon balaya quelques affaires du dos de sa main, rangeant rapidement ce qui le gênait.

Des papiers notamment, ainsi que quelques babioles. Il ne savait pas qui venait ici en dehors de lui, mais il ne semblait pas véritablement appliqué.
Peut-être était-il plus expérimenté que lui, assez pour ne pas avoir à se soucier de son environnement.

Sa tête se redressa légèrement en sentant quelques vibrations. Des vibrations lointaines, mais réelles et assez lourdes pour lui parvenir.  « … ? »

Jeremy sentit quelques frissons de sueur froide parcourir sa nuque, se saisissant rapidement de l’écran numérique pour allumer la caméra de la scène.

Son corps se tendit d’un seul coup, étouffant un cri entre ses dents. Le lapin n’était plus là. Un bruit sourd résonna dans l’aération, sur sa gauche.

« O-Oh… Oh non… » La panique commençait. Il hésita un instant à appeler l’un de ses collègues, mais son premier véritable réflexe fut de lâcher la tablette et s’emparait vivement du masque.

Alors que les bruits se rapprochaient, il l’enfonça sur son crâne si brutalement qu’il s’en fit presque mal, dérangeant son masque qui se mit légèrement de travers. « Ah merde… » couina-t-il.

Trop tard. Se redressant brutalement sur son siège, le reste de son corps caché derrière le bureau, sa tête s’orienta vers le conduit, où il voyait l’animatronic sortir sa tête, un grand sourire au visage.

Sentant le masque lui tenir incroyablement chaud, ou était-ce lui qui paniquait, le gardien essaya de respirer comme il pouvait. L’odeur du vieux cuir le rendrait presque malade, mais il résista.

Ravalant sa salive douloureusement, il essaya de faire un mouvement de tête pour saluer le lapin bleu… Mais sans réel succès.

On aurait plus dit que le Freddy avait du mal a tenir sa tête droite, balançant sa tête d’avant en arrière.

« a-ah… »

L’animatronic sortit de devant le bureau, d’un bond qui en fit faire un second, brusque, au gardien. Il était là. Ce masque était sa dernière chance de s’en sortir vivant, sa parole.

Enfin, si le renard ne venait pas entre deux… Seigneur. « B-Bonnie ! »

Déglutissant à l’intérieur, Jeremy redressa sa tête et la stabilisa, voyant la grande mascotte mécanique sautillait, faisant légèrement bondir les crayons de son bureau a cause de son poids.

Il pencha la tête sur le côté, salua le gardien avec un entrain qui figea l’humain quelques secondes. Comme il en avait l’habitude, il le prenait pour Freddy.

Bien qu’il ne mente pas, ou pour des choses qui le concernaient seul, ici c’était pour sa survie qu’il arborait une fausse identité. Du moins, le croyait-il.

Avec un air attristé, le lapin lui indiqua qu’il le cherchait, faisant légèrement tendre ses muscles de stress.

« T-Tu le connais, hein. » dit-il en bégayant un peu, essayant malgré lui de prendre un peu d’assurance dans sa voix.

Chose impossible. C’était déjà un miracle qu’il ne tremble pas en le voyant aussi proche. Mais par-dessus sa peur, une question lui vint en tête.

« Pourquoi tu le… cherches ? »

Difficilement, il avala une bouffée d’air. C’était la première fois qu’il osait mettre sa curiosité en avant.

Les dernières fois, il l’avait simplement laissé passer.

Mais il voulait comprendre. Peut-être était-ce parce qu’il se sentait en sécurité avec ce masque, coupé de l’extérieur, mais c’est avec une certaine impatience qu’il attendit sa réponse.

Son interlocuteur sautilla dans la pièce, faisant légèrement vibrer le sol et les objets disposés sur le bureau.

De ce qu’il pouvait voir, aucun n’en était encore tombé. Avec le masque et son propre écran mal placé, c’était difficile de distinguer quelque chose, sincèrement.

Il mima une danse et des ombres sur les murs, qui étonnèrent légèrement le gardien. Personne ne leur avait enseigné ces jeux… Non ? Ou avait-il simplement peu de connaissances sur les animatronics.
Ce qui n’était pas étonnant, vu qu’il les évitait le plus possible.

Mais comme s’il s’en était lassé, le lapin vint s’asseoir en tailleur au bureau de Jeremy, qui recula légèrement sa tête, étonné. Lui semblait pensif, réfléchissant certainement à sa question. Il espère.

C’était intéressant de voir que les animatronics ne le reconnaissaient pas, à l’exception de Foxy. Il y avait aussi Billy… Mais lui ne s’intéressait que peu de savoir si c’était lui ou non. Tant qu’il arrivait à prendre sa torche.

A l’entente de costume, le garçon grimaça. C’était bien ce qu’il redoutait. Qu’il le fourre, en le tuant à l’occasion, dans l’un des animatronics ici.

« B-Bonnie... » tenta-t-il doucement, peu rassuré. « C’est un charmant programme mais… »

Une minute. Mike ? C’était le nom de l’un de ses collègues. Il avait… Sous l’instant de la réalisation, un cri très peu virile sortit étouffer de sous le masque.

« Tu as mis Mike dans un costume !? »

Ce n’était pas possible. Non, il espérait sincèrement avoir mal compris. Mais si c’était le cas ?

Sentant des sueurs froides descendre le long de son dos, le corps du gardien se tendit, cloué sur sa chaise de peur.
Il allait tourné de l'oeil, rien qu'à imaginer la scène.

Mike ? Papa ? Sa parole, il était devenu fou.

« H-Hein !? »
Mais qu’est ce qu’il racontait. Bon, au moins il semblait savoir que mettre les gardiens de nuit dans des costumes n’était pas une bonne idée.

Pas plus rassuré qu'auparavant, il regarda longuement l’animatronic qui lui tournait le dos, visiblement outré, soupirant et boudant, comme un enfant.

Il ne voulait pas lui faire de la peine, mais il n’avait pas non plus oublié que la première fois qu’il avait travaillé ici, plus de la moitié des robots présents avaient voulu lui faire la peau.

Comment faire la différence ? Il aimerait bien le savoir. Peut-être avait-il mal interprété leur approche, mais il était humain.

Quand quelque chose te saute à la figure avec les dents en avant, c'était rarement bon.

« Bonnie… » dit-il, un peu plus sûr dans sa voix.

Il le regarda se retourner vers lui, un air mélancolique dans son sourire et semant une légère confusion chez le garçon.
Néanmoins, il ne perdit pas de vue les mots qu’il avait voulu laisser s’échapper, il y a quelques instants.

« Il ne l’interprète peut-être pas comme toi. »

Son ton avait baissé, comme ses épaules s’étaient légèrement laisser tomber.

« I-Il a peut-être simplement peur. Il est incertain et il n’ose pas se montrer… »

C’était étrange de parler à la troisième personne. Mais si Jeremy pouvait mettre les choses au clair sur les intentions de l’animatronic, alors il en serait ravi.
Si Mike avait survécu, peut-être avait-il une chance. Mais question communication, il ne fallait pas trop le lui en demander.

« Ou il ne sait pas comment s’y prendre… »
Un soupire s’échappa dans son masque, redressant la tête vers le lapin bleuté.

Le jeune lapin eut une légère moue à son égard, faisant légèrement plongé sa tête vers le bas. Il était désolé.

Il savait que Toy Bonnie… ne lui voulait pas de mal. Ou ne lui en voulait plus, s’il l’avait un jour souhaité.
Il ne devait pas comprendre pourquoi le gardien avait autant peur, ni pourquoi il n’avait daigné se montrer après toutes ces nuits.

Ce n’était pas sa faute. Ou pas totalement. Bien des années avaient passées depuis la première fois qu’il avait travaillée ici, après tout. Il ne savait même pas s’il s’en souvenait, de ce temps là.

Il avait d’abord bossé de nuit… Puis de jour. Avant que la pizzeria ne ferme.

Il n'était pas bon de faire revenir des souvenirs non-voulus.

A cette pensée, le cœur du gardien se serra, revenant à l’instant présent au moment où la voix robotique du Toy lui parvint.

Comment. Oh, le problème ne venait pas du joyeux robot. Le problème, c’était lui, en fin de compte. L’observant se rapprocher, ses sourcils se haussèrent dans une légère mine emplie de remords.

Face à face, il resta silencieux, si bien que l’on aurait cru qu’il ne respirait plus. C’était peut-être le cas, en fin de compte.

Ravalant tant bien que mal sa salive, le garçon sous le masque resta silencieux, tournant légèrement sa tête à gauche, à droite, puis vers le bas, comme s’il voulait éviter de le regarder.

Cela ne suffit pas, car après quelques instants à se perdre dans ses pensées, mâchouillant sa lèvre inférieure tremblante sans précaution, le gardien craqua.

De façon imprévisible, il eut un sanglot, portant ses mains à son masque comme pour essayer de masquer son visage, hors, il l’était déjà sous deux couches, de cuir et de mécanique.

Sa banderole numérique fit disparaître les trois points de suspension qu’il avait auparavant, pour ne plus rien afficher, tandis qu’il se repliait sur lui-même, pratiquement le front du masque de Freddy contre le bureau.

Il aurait voulu s’excuser, mais ses sanglots reprirent le dessus, le laissant silencieux plusieurs longs instants, à nouveau. Si bien qu’il ne sentit même pas le Freddy l’étouffait.

Jeremy s’en rendit compte au moment où il essaya de respirer. L’air lui manqua sauvagement et par pur instinct de survie, il tenta de le retirer.

C’était coincé. Malgré qu’il forçait un peu, il n’arrivait pas à retirer la tête, aussi articula-t-il, prit de peur.

« Bonnie ! En…lève le moi ! »

Il tira, de toutes ses forces, mais le masque restait accroché à sa tête. Pendant un instant, le gardien se demandait s’il allait mourir.

Asphyxié, dans ce maudit masque. Retenant sa respiration, le brun s’activa a aider l’animatronic et pendant quelques secondes, il crut qu’il allait s’arracher la tête.

Heureusement, ce ne fut pas la sienne qui partit mais la fausse tête d’ours, le laissant reprendre une brève inspiration. Son écran ne s’était pas fait la malle, c’était déjà ça.

Sinon il aurait eu quelques problèmes de plus. Et pas des moindres.

En reprenant ses esprits, Jeremy n’avait même pas remarqué que l’animatronic était tombé, le masque entre les pattes.

Ce qui était pratique avec son écran, c’est qu’on ne pouvait que rarement voir les fois où il pleurait. Tout simplement parce qu’il retenait ses larmes, qui disparaissait avec le temps.

Comme à cet instant, où il n’y avait aucune trace de ses sanglots. Mais à la place, ce fut une mine étonnée et trois points d’exclamation qui s’affichèrent, alors que le lapin bleu s’était rapidement rapproché.

Peut-être un trop vite vite, car Jeremy ne pût s’empêcher de pousser ses mains sur le rebord du bureau afin de reculer.

« H-Hu… » gémit-il de surprise et gêne, avant de se calmer doucement. « B-Bonsoir Bonnie… »

Maintenant, il ne pouvait plus reculer. Au moins, il allait pouvoir directement lui parler. Au mieux de se faire passer pour une personne qu’il n’était pas.

« J-Je… Je suis désolé… de ne pas m’être… montrer avant ? … »

Il avait hésité sur ses mots. Pourquoi ? Lui-même ne savait pas.